« Que tu es beau mon bien aimé… » Cantique des cantiques
Que nous dit la Bible des relations entre les êtres que Dieu a créés sexués ? Que pouvons-nous
dire de notre relation à Dieu au travers de notre vie la plus intime ?
Le mot de Michael :
En ce début d’année 2013, nous voici de retour au Beausset
pour notre 3ème week end de notre parcours de réflexion intitulé
« croyants de la tête aux pieds ». C’est avec plaisir que nous
retrouvons un certain nombre d’absents qui ont manqué notre dernier rendez vous
de l’année 2012, et qui ont peut être perdu le fil de nos réflexions.
Petit retour en arrière : Nous avons débuté le parcours
fin septembre en nous posant la question du rapport entre le corps et l’esprit
dans la culture juive. Un week end intitulé : Un corps pour être à l’image
de Dieu. Le samedi nous avons donc travaillé sur le 1er livre des
Rois au chapitre 17 avec l’histoire d’Elie le Tishbite et de la veuve de
Sarepta. Le dimanche matin nous nous étions plongés dans la prélude de
l’Evangile de Jean : « Et le verbe se fit chair ». Peut-on
douter de l’unicité du corps et de l’Esprit lorsque nous croyons en un Dieu qui
s’est incarné et qui pendant plus de trente années a partagé notre condition
humaine ?
Nous nous sommes ensuite retrouvés courant décembre autour
du thème « Un corps pour nous ouvrir au monde et aux autres ». Nous
ouvrir au monde en utilisant nos 5 sens, que ce soit pour jouer comme au début
du WE ou en nous laissant guider le soir dans un parcours plein d’embuches et de
sensations. Mais surtout un corps pour nous ouvrir aux autres, à l’autre, au
travers du toucher et du massage. Guidés par Dominique, nous avons découvert,
ou redécouvert, des sensations auxquelles nous ne pensions pas ou dont nous
avions oublié l’existence. Après cette expérience Isabelle nous a proposé d’en
vivre une autre au travers d’exercices de sophrologie puis une lecture
interiorisée du texte du buisson ardent (Exode 3). Profitant de la présence de
Dominique nous avons pu entendre ce texte et le relire à la lumière de son
expérience d’aide soignant. De son intervention je retiens quelques
perles : « Dieu est comme le buisson, il brûle sans se
consummer », « Toute rencontre est un détournement, c’est ce détour
qui permet tout le reste ».
Après ce week end autour de la rencontre nous voici
aujourd’hui invités à aborder les thèmes de l’intimité, de la sensualité et de
la sexualité. L’équipe de préparation de l’année avait adopté ce thème à
l’unanimité lors de notre rencontre de juin dernier. Evidemment nous ne pouvions
pas ne pas l’aborder dans une année tournant autour du corps alors que nous
vivons dans un monde où les représentations, les images, les discours et même
les best sellers nous invitent à vivre une sexualité débridée, libre et
performante. A l’inverse nous considérons souvent que la religion livre sur ce
thème un discours enfermant, moralisateur, entravant, limitant, banissant toute
sensualité et sexualité en dehors de la question de la procréation.
Alors avec l’équipe de préparation nous avons pris la question
à bras le corps. De nos discussions j’ai noté des témoignages : « On
peut vivre un acte sexuel sans que ce soit un acte d’amour »
« la fragilité de l’être humain lorsqu’il est nu peut donner le meilleur
comme le pire » et des mots posés ici et là au cours de la journée :
cadeau, respect, altérité, fécondité, manque, désir,… Mais surtout pas mal de
questions : qu’est ce qui s’exprime dans cette relation à sa propre
intimité ou à l’intimité de l’autre ? Que peut être la sexualité sans acte
sexualité ? En écho me revenait la phrase d’Exode 3 lue avec Dominique
« Retire tes sandales car le lieu où tu te tiens est une terre sainte»
ainsi que la question posée par la suite : « Qui suis-je pour aller
vers ces gens là ? ».
Alors nous vous invitons cet après midi et demain à aborder
ce thème en toute simplicité mais aussi avec respect pour ce que nous sommes
les uns et les autres, avec respect pour ce que nous vivons ou avons vécu.
Comme toujours, il ne s’agit pas de trouver des vérités ou d’imposer aux textes
notre vision contemporaine et occidentale des choses mais plutôt d’être à
l’écoute de la Parole et de la mettre en travail avec ce que nous portons au
plus profond de nous même, quelle que soit notre situation : en couple,
séparés ou célibataires plus ou moins volontaires.
Tout d’abord nous vous invitons à vous laisser porter par un
extrait du Cantique des cantiques. Vous laisser porter, questionner par ce
poème que certains qualifient d’érotique et dont la présence dans la Bible pose
question à certains. Demain matin nous serons destinataires la lettre de Paul
aux Ephésiens dans un passage où il aborde la question de la relation
homme/femme mais aussi du corps formé par l’ensemble des croyants. Pour Paul il
y a là dedans un grand mystère ! Comme pour nous tous en quelque sorte.
L'intro de Benjamin
Le corps sexué : désirer et aimer
Nous ne pouvons pas manquer les
publicités de sites internet de rencontre aux doux noms de meetic, easyflirt,
voire même des sites de rencontres dédiés aux catholiques sur www.notre-dame-des-rencontres.com !
Dans ces annonces les regards y sont langoureux. Les corps beaux et neufs sont
ici suggestifs à l’envie. Nous sommes ainsi invités à désirer sans aimer.
Même si le stratagème commercial est évident il n’en demeure pas moins que la
question reste ouverte : peut-on aimer sans désirer ? Qui
aime-t-on vraiment lorsqu’on désire l’autre ? Un peu de soi, un peu de
l’autre, Saint-Paul propose de considérer son corps comme étant un temple… Cette relation privilégiée entre homme et
femme demeure un mystère au quotidien
l’un pour l’autre mais c’est aussi un mystère
pour les croyants.
Le thème de ce parcours sur
« Le corps sexué désirer et aimer »
est paradoxalement un sujet tout à la fois rarement abordé dans la bible même
si l’institution cléricale se montre volubile et médiatique lorsqu’il s’agit
des questions de contraceptions, de divorces, d’homosexualité ! Nous
prendrons ici le parti pris dans cette présentation de rester dans le thème
« Le corps sexué désirer et aimer » sans nous mêler de la
préoccupation de l’institution du moment. Afin de « débroussailler »
un peu le sujet je vous propose un peu de vocabulaire théologique.
Que pouvons-nous trouver dans la
bible pour nous éclairer sur la sexualité ?
Finalement le thème est rarement
évoqué : ponctuellement dans l’ancien testament et de manière marginale
dans les évangiles. Il n’y a véritablement que Paul qui aborde la question dans
sa correspondance avec ses communautés particulièrement d’Ephèse et de
Corinthe. Dans l’ouvrage de « Vocabulaire
de théologie biblique »[1]
le mot «sexualité» est classé en trois volets : (1) la sexualité et la
condition humaine, (2) la sexualité, sacré et sainteté et (3) la pratique et
l’intention.
1 1.
la
sexualité et la condition humaine
C’est le mystère de la condition
humaine : « Homme et femme, il
les créa » (Gn I,27) ... a priori « à l’image de Dieu ».
L’histoire misogyne a valorisé la figure masculine pourtant au vu de la
puissance féconde de Dieu, la figure de la femme aurait dû s’imposer.
Apparemment, pour Dieu, l’unité de l’Homme n’est pas souhaitable « il n’est pas bon que l’homme soit seul […] »
(Gn 2,27). L’altérité y ainsi présentée de manière positive comme la fécondité
à venir, sans pudeur et sans hiérarchie : « Bien qu’ils fussent nus, Adam et Eve n’avaient pas honte »
(Gn. 2.15).
De manière confuse dans la bible,
le désir de la possession égoïste de l’un vers l’autre entrainera au final une
coupure avec Dieu. Cette séparation entre Dieu et les hommes, le fameux péché,
se réalise dans la peur et la douleur. L’altérité des deux corps est décrite dans
la genèse. Mais leur unité originelle se retrouve peut-être aussi dans la
relation sexuelle car « ils ne sont
plus deux, mais une seule chair » (Mt 19,4 ss) ?
2 2.
la
sexualité, sacré et sainteté
Au milieu des divinités qui se
marient, des rites animistes, de prostitués sacrés (R 14,24), des « veaux
d’or » viriles (Ex 32,4) le peuple d’Israël a cherché une voie différente
pour définir le lien entre le sexuel et le sacré. Il s’agit d’accomplir une
fonction qu’a suscitée la parole de Dieu, en participant à sa propre puissance
créatrice. Eve qui vient d’être mère s’écrie : « j’ai procréé un homme de par Yahweh » (Gn 4,1). La sacralisation de la sexualité va ainsi se
manifester dans la relation entre Dieu et Israël sa fiancée. C’est ici que l’on
peut mieux cerner la portée du Cantique des cantiques.
Un autre aspect de cette
sacralisation ce sera la fonction d’alliance entre Dieu et Israël cela passera
pour les hommes dans la circoncision. Cela s’accompagnera d’une dichotomie
entre le pur et l’impur. Citons ici les
éléments impurs précisés dans l’ancien Testament : la période menstruelle
des femmes, la virginité des femmes, les rapports sexuels avant d’aller au
temple, etc. ? Ces prescriptions dérivent non pas du mépris pour la
sexualité mais bien au contraire de leur sacralisation.
Dans le nouveau testament nous
glisserons du sacré à la sainteté. La relation d’amour charnel exprime la
relation d’amour qui unit les fidèles entre eux et par la même avec Dieu
« aimez vos femmes comme le christ a
aimé l’église » (Ep 5, 25). La sexualité est soustraite de la sphère
du sacré… mais à condition de maintenir la dimension de sainteté qui transforme
la corporéité de l’homme.
3. La pratique et l’intention.
Dans l’ancien testament, vous y
trouverez le « catalogue » des prescriptions et des interdits :
sur la fornication, l’adultère, la convoitise, la bestialité, la prostitution, curieusement
la masturbation et l’homosexualité (Gn 28,20 et I 9,5) n’y sont pas vraiement
condamnés.
Les tabous disparaissent avec JC
ou plus exactement la sexualité n’est plus sacralisée. Plus de prescription
dans les évangiles, pas de consignes, les prostituées y seront mêmes pardonnées
(Mt 21,28-32). Il ne reste qu’un conseil à suivre « le péché est dans le désir et dans le regard » (Mt 5,28). Paul
qui n’est pas avare de conseils sur les bonnes mœurs ne craint pourtant pas de
dire « tout est permis » (I
Co 6,12) car il sait que la morale ne dépend plus de telle ou telle prescription,
mais que tout dépend du mode de relation qu’entretient le corps avec le
seigneur. Le corps est pour Paul le temple du Saint-Esprit et membre du Christ.
[1]
Léon-Dufour et al. (1995). Vocabulaire de théologie biblique.
Cerf : pp 1224-1230.
Texte du Samedi :
Cantique des
cantiques (Traduction : La
Nouvelle Bible Segond)
Chapitre 7
Autres
1Reviens,
reviens, Shoulamite ! Reviens, reviens, que nous te regardions ! Qu'avez-vous à
regarder la Shoulamite comme la danse des deux camps ?
Lui
2Que
tes pieds sont beaux dans tes sandales, fille de noble ! Les contours de tes
cuisses sont comme des colliers, œuvre des mains d'un artiste.
3Ton
bassin est une coupe arrondie, où le vin parfumé ne manque pas ; ton ventre est
un monceau de froment, entouré de lis.
4Tes
deux seins sont comme deux petits, jumeaux d'une gazelle.
5Ton
cou est comme une tour d'ivoire ; tes yeux sont comme les réservoirs de
Heshbôn, près de la porte de Bath-Rabbim ; ton nez est comme la tour du
Libanqui guette du côté de Damas.
6Ta
tête se dresse comme le Carmel, et tes nattes sont comme la pourpre rouge ; un
roi est enchaîné dans leurs ondulations !
7Que
tu es belle, que tu es douce, mon amour, mes délices !
8Ta
stature ressemble au palmier, et tes seins à des grappes.
9J'ai
dit : Je vais monter au palmier, j'en saisirai les fruits ! Que tes seins
soient comme des grappes de raisin, la senteur de ton souffle comme celle des
pommes,
10et
ta bouche comme le vin du bonheur... Il coule aisément pour mon bien-aimé, il
glisse sur les lèvres des dormeurs.
Elle
11Je
suis à mon bien-aimé, et son désir se porte vers moi.
12Viens,
mon bien-aimé, sortons dans les champs, passons les nuits dans les villages !
13Au
petit matin nous irons dans les vignes, voir si la vigne bourgeonne, si la
fleur s'ouvre, si les grenadiers fleurissent. Là je te donnerai mes caresses.
14Les
mandragores exhalent leur senteur ; à nos portes sont tous les fruits exquis,
les nouveaux comme les anciens ; mon bien-aimé, je les ai réservés pour toi.
Chapitre 8
1Ah ! si tu
étais mon frère, nourri au sein de ma mère ! Je te trouverais dehors, je
t'embrasserais, et on ne me mépriserait pas.
2Je te
conduirais, je t'introduirais dans la maison de ma mère ; tu m'instruirais, et
je te ferais boire du vin parfumé, du jus de mes grenades.
3Que sa main
gauche soit sous ma tête, que son bras droit m'enlace !
Autres ?
4Je vous en adjure, filles de Jérusalem, n'éveillez pas, ne réveillez pas
l'amour, avant qu'il le désire.
Autres
5Qui est
celle qui monte du désert, appuyée sur son bien-aimé ? Je t'ai éveillé sous le
pommier ; là même où ta mère t'a conçu, là où t'a conçu celle qui t'a mis au
monde.
Elle
6Place-moi
comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras ; car l'amour est fort
comme la mort, la passion jalouse est dure comme le séjour des morts ; ses
fièvres sont des fièvres brûlantes, une flamme du SEIGNEUR (Yah) .
7De grandes
eaux ne peuvent éteindre l'amour, et des fleuves ne sauraient l'emporter ;
quand un homme donnerait tous les biens de sa maison contre l'amour, il
n'obtiendrait que le mépris.
Questions pour nous aider
Lire le texte à
haute voie comme un poème,
Quelles impressions
se dégagent ?
De quoi nous parle le texte ?
Repérer les
expressions liées au corps, aux sens.
Comment les dimensions
sensuelles, le désir, sont-ils exprimés dans le texte ?
Noter les points
faisant état d’un respect mutuel des amoureux ?
Au delà de l'histoire qu'est ce que nous dit ce texte ?
Que nous dit le
texte de la relation homme/femme ?
Comment peut-on considérer
la présence de Dieu dans le texte ?
Comment ce texte nous rejoint dans notre vie ?
Comment peut-on
désirer Dieu comme les amoureux de ce texte ?
Comment Dieu nous
désire-t-il : nous les humains, chacun de nous, nous hommes ou
femmes ?
Shoulamite : nom propre qui pourrait être considéré comme le
féminin de Salomon. Les deux noms sont construits sur une racine qui désigne la
paix. Ceux qui interpellent ainsi la jeune fille (TOB).
Heshbôn : Ville de Transjordanie (TOB)
Mandragore : plante méditerranéenne dont la racine peut avoir
l’aspect d’un être humain. Appelées aussi pommes d’amour dans la Bible elle est
censée favoriser la fertilité (cf Gen 30, 14). Possédant des propriétés
hallucinogènes elle est également présente dans la littérature relative aux
sorcières. (TOB et Wikipédia)
Texte du Dimanche :
Lettre aux
Ephésiens (Traduction : TOB)
Chapitre 5
21Vous qui
craignez le Christ, soumettez-vous les uns aux autres ; 22femmes, soyez soumises à vos maris
comme au Seigneur. 23Car
le mari est le chef de la femme, tout comme le Christ est le chef de l'Eglise,
lui le Sauveur de son corps. 24Mais,
comme l'Eglise est soumise au Christ, que les femmes soient soumises en tout à
leurs maris. 25Maris,
aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour
elle ; 26il a voulu ainsi
la rendre sainte en la purifiant avec l'eau qui lave, et cela par la Parole ; 27il a voulu se la présenter à lui-même
splendide, sans tache ni ride, ni aucun défaut ; il a voulu son Eglise sainte
et irréprochable. 28C'est
ainsi que le mari doit aimer sa femme, comme son propre corps. Celui qui aime
sa femme, s'aime lui-même. 29Jamais
personne n'a pris sa propre chair en aversion ; au contraire, on la nourrit, on
l'entoure d'attention comme le Christ fait pour son Eglise ; 30ne sommes-nous pas les membres de son
corps ? 31C'est
pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et
tous deux ne seront qu'une seule chair. 32Ce
mystère est grand : moi, je déclare qu'il concerne le Christ et l'Eglise.
Questions pour nous aider
Lire le texte à
haute voix puis chacun peut dire une phrase ou deux qui résonne en lui, qui le
heurte, qui l’interroge,…On peut notamment
échanger sur l’analogie prise par Paul : Mari et femme / Christ et Eglise…
Lire ensuite le
texte individuellement pour répondre aux questions :
De quoi nous parle le texte ?
Repérer la
construction particulière du texte et notamment les mots articulant les phrases
entre elles (car, ainsi,…). Quelle est leur signification ?
Relever les expressions
liées au corps ?
Que nous dit ce texte ?
Pour Paul, quels
arguments semblent justifier la soumission de la femme à son seul mari et
quelles obligations incombent à l’homme en contrepartie ?
Comment les
relations entre homme et femme peuvent-elles conduire à la sainteté ?
Comment peut-on
considérer la présence de Dieu dans le texte ?
Comment ce texte nous rejoint dans notre vie ?
Que signifie pour
nous faire une seule chair ?
Comment ce texte
est-il en tension par rapport à l’image de la sexualité que nous propose la
société actuelle ?
Quelle place peut
occuper la sexualité dans un chemin de sainteté vécu par le couple ?
Quelle analogie ce
texte nous permet t’il d’établir entre la relation homme/femme et notre
relation avec Dieu ?
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