dimanche 18 avril 2021

Traduction alternative

 (JF Bouthors nous a proposé une version différente des traductions usuelles du chapitre 8 du premier livre de Samuel. "...., il ne s’agit pas à proprement parler d’une traduction, c’est plutôt un texte aussi près que possible du mot à mot, de manière à être au plus près de ce qu’entend un lecteur en hébreu, et donc de ce que le texte produit comme effets de sens. Lorsque le mot à mot est trop difficile, je l’ai indiqué en note. C’est un document pour l’étude, qui est évidemment inutilisable pour une proclamation lors d’une célébration. Mais cela rend, autant que possible, les aspérités et les paradoxes du texte original. Ces aspérités et ces paradoxes sont en fait ce qui provoque l’ouverture de l’interprétation et empêche de la fermer."

1 Samuel 8

NB. La ponctuation s’efforce de rendre les accents qui découpent la lecture. Chaque verset est divisé en deux parties avec une césure centrale (;), et chaque partie comporte éventuellement des césures internes (,). Les interlignes supplémentaires correspondent au découpage du texte en parties distinctes. Les traits d’unions servent à signifier qu’une expression correspond à un seul mot en hébreu (par exemple soumettre-à-la-dime, correspond au verbe « assar »). L’hébreu dispose de peu de prépositions, en réalité le plus souvent des préfixes, par rapport au français. Ce qui fait que ces prépositions ont des sens multiples et sont sujettes à interprétation. Par exemple le préfixe ג (lamed) indique fondamentalement une direction ou une destination, un mouvement. Il est généralement traduit par « vers ». Il peut être traduit par « pour », ou par « à ».

Conseil de lecture : ce texte est à mettre en parallèle avec l’histoire d’Éli et de ses fils (1 S 2 et 4) qui évoque une malédiction, dont la dernière partie est mise en œuvre par Salomon (cf. 1 R2, 26-28) et dont on retrouve la trace dans la vocation de Jérémie (Jr 1,1).

1 Et c’est quand vieux (est[1]) Samuel[2] ; et il place ses fils juges[3] pour[4] Israël.

2 Et c’est le nom de son fils l’aîné Yoël[5], et le nom de son second Abiah[6], jugeant dans Beer-Sheva[7].

3 Et ne vont pas ses fils[8] dans ses chemins, et ils tendent derrière le profit[9] ; et ils prennent du cadeau[10] et ils font tendre le jugement.

4 Et se rassemblent tous les vieux d’Israël ; et il vont vers Samuel en direction du lieu-haut[11].

5 Et ils lui disent[12] : Voici toi tu vieillis, et tes fils ne vont pas dans tes chemins ; maintenant place pour[13] nous un roi pour[14] juger nous, comme toutes les nations.

6 Et est mauvaise la parole dans les yeux de Samuel comme ils avaient parlé : Donne pour nous un roi pour juger nous ; et intercède[15] Samuel vers Adonaï (Y-H-W-H[16]).

7 Et dit Adonaï (Y-H-W-H) vers Samuel : Écoute dans la voix[17] du peuple, vers tout ce qu’ils diront vers toi ; oui pas toi ils rejettent ; oui moi ils rejettent hors de régner sur eux.

8 Comme toutes les œuvres qu’ils font, depuis le jour (où) je fais monter eux hors d’Égypte jusqu’au jour celui-ci, et ils m’abandonnent et ils servent des dieux autres ; et ainsi eux (sont) faisant aussi vers toi.

9 Et maintenant écoute dans leur voix ; seulement prendre-à-témoin tu prendras-à-témoin contre eux[18][19], et tu raconteras vers eux le jugement du roi qui règnera sur eux.

10 Et dit Samuel toutes les paroles d’Adonaï (Y-H-W-H) ; vers le peuple qui demandait[20] de lui[21] un roi

11 Et il dit : Ceci, sera le jugement du roi qui régnera sur vous ; vos fils il prendra, et il (les[22]) place pour lui dans son char[23] et dans ses cavaliers, et ils courront devant[24] son char.

12 Et pour placer pour lui, des chefs[25] de milliers et des chefs de cinquante ; et pour labourer son labour et pour moissonner sa moisson, et pour faire ses instruments de combat et les instruments de son char.

13 Et vos filles ils prendra ; pour parfumeuses et pour cuisinières[26] et pour cuire[27].

14 Et vos champs, et vos vignes, et vos oliviers les bons, il prendra ; et il donnera vers ses serviteurs.

15 Et leurs semences et leurs vignes il soumettra-à-la-dime et il donnera à ses eunuques et à ses serviteurs.

16 Et vos serviteurs, et vos domestiques[28], et vos jeunes hommes, les bons et vos ânes, il prendra ; et il fera pour son travail.

17 Votre petit bétail, il soumettra-à-la-dime ; et eux seront pour lui pour serviteurs.

18 Et vous crierez-de-peur dans ce jour[29] hors de vers les faces de votre roi, que vous avez choisi[30] pour vous ; et ne vous répondra pas Adonaï (Y-H-W-H) dans ce jour

19 Et refusent le peuple[31], pour écouter dans la voix de Samuel ; et ils disent : Non, oui à-condition-qu’un-roi[32] soit sur nous.

20 Et serons aussi nous, comme tous les peuples ; et nous jugera notre roi et il sortira devant nos faces, et il combattra[33] nos combats.

21 Et écoute Samuel toutes les paroles du peuple ; et il les parle dans les oreilles d’Adonaï (Y-H-W-H).

22 Et dit Adonaï (Y-H-W-H) vers Samuel : Écoute dans leur voix et fait régner vers eux un roi ; et dit Samuel vers les hommes d’Israël : allez, chacun vers sa ville[34].



[1] L’hébreu omet souvent le verbe être, préférant s’exprimer par juxtaposition.

[2] Sur le nom de Samuel, voir 1 S 1,20.

[3] Littéralement « jugeants » (participe présent au pluriel).

[4] La traduction la plus littérale serait « vers ».

[5] Prénom qu’on peut décomposer en Y-El. Y est la première lettre du tétragramme. Donc « Adonaï-Dieu » ou « Adonaï est Dieu ».

[6] Prénom qu’on peut décomposer en Av-Yh. Av, c’est le père, Yh, ce sont les deux premières lettres du tétragramme. Donc « Le père-Seigneur ».

[7] La ville d’Abraham.

[8] En hébreux le sujet se place généralement après le verbe. Les pronoms sujets sont des suffixes attachés au verbe.

[9] Le mot a une connotation de violence.

[10] L’hébreu utilise un nom singulier collectif. Certains traduisent « des pots-de-vin ».

[11] Généralement traduit par le nom de la ville de Rama, la ville dont sont originaire les parents de Samuel, mais ici le mot est précédé par un article. À noter que la racine resh-mem-hé donne un verbe que l’on traduit par « jeter » ou « tromper ».

[12] Littéralement : « Et disent-ils vers lui ».

[13] Idem que note 4.

[14] Idem.

[15] Traduction difficile. Certains traduisent « Samuel prie », d’autre Samuel « invoque le Seigneur ». Le verbe employé à une forme répétitive (insistante), passive et réfléchie. Il a une connotation judiciaire (intervenir comme arbitre).  Dans sa racine, il y a l’idée de division, de différence, de distinction. Samuel essaie d’y voir clair en se positionnant vers Adonaï (Y-H-W-H). La notion de séparation, de distinction est fondamentale dans la Torah, c’est le principe même de la création.

[16] Suivant la tradition juive, le tétragramme est imprononçable, et on le remplace soit par Adonaï (littéralement « Mes seigneurs »), doit par Ha-Chem (Le Nom).

[17] Le rédacteur aurait pu écrire « écoute la voix », mais cette expression signifie qu’il y a quelque chose à entendre, pas simplement ce qui est dit, mais ce qui se dit dedans. On trouve cette distinction très importante dans le récit qui voit Saraï proposer à Abram de prendre sa servante pour femme, afin d’obtenir d’elle le fils qui tarde à venir (Gn 16,3).

[18] La BJ traduit : « tu les avertiras », mais l’expression est plus brutale. La même racine a aussi le sens de « ligoter, étreindre », ou de « encore ».

[19] Littéralement : « dans eux ».

[20] Littéralement « les demandants » (participe présent au pluriel).

[21] Littéralement « hors-de-avec-lui ».

[22] Pas de pronom dans le texte en hébreu.

[23] On peut aussi entendre ici l’usage d’un nom collectif.

[24] Littéralement « devant les faces de ».

[25] Au féminin le mot est traduit par « princesse ».

[26] Au masculin, le mot se traduit « boucher », ou « abatteur ». Sa racine est celle du verbe « abattre le bétail ».

[27] Les traducteurs considèrent qu’est sous-entendu « le pain », d’où la traduction courante : « boulangère ».

[28] Au féminin.

[29] Littéralement : « dans le jour le lui ».

[30] Littéralement : « que vous choisissez » (l’hébreux ne connait pas le passé, le présent et le futur, mais l’accompli et l’inaccompli. Ici le verbe est à l’accompli. L’inaccompli est généralement rendu par le futur français, puisque c’est une action qui est en devenir).

[31] Le peuple est un sujet collectif, d’où le fait que le verbe est au pluriel.

[32] Littéralement : « oui si-un-roi sera… ».

[33] Sur la racine de ce verbe, lamed-het-mem, se forme aussi le verbe manger et le mot nourriture ou pain. Est-ce à dire qu’il faut se battre pour manger ? Racine que l’on retrouve dans Bet-lehem.

[34] Littéralement : « un homme vers sa ville ».

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